mercredi 19 août 2015

Faibles doses radioactives : instiller le doute même sans motif légitime



Selon une chercheuse de l'INSERM, la règle de la RLSS (Relation Linéaire Sans Seuil) concernant les radiations radioactives serait bien trop optimiste. Nous serions tous en danger. 

C'est tout le contraire.
Cette règle est excessivement précautionneuse et date d'une époque où on ne pouvait encore officialiser l’innocuité des faibles doses.

Lien vers la publication réfutée dans le présent post :

Il y a beaucoup à dire sur cet article qui titre  : "Le risque des faibles doses de radiations doit être réévalué" paru dans Sciences et Avenir le 5 août 2015 et sur Mme Thébaud-Mony.
En effet, l'auteure n'est pas biologiste et son interview est parsemée de bêtises (comme les anomalies congénitales ou la fréquence des cancers post Tchernobyl)

C'est donc un article tendancieux, mêlant des assertions vraies ou fausses et présentant comme établies de simples hypothèses. 

Trois exemples :

  • Il n'y a pas l'ombre d'une preuve d'une relation "supra-linéaire" pour l'apparition  de cancer après exposition à de faibles doses.

  • Il peut y avoir des malformations radioinduites lors d'exposition du fœtus, mais on n'en a jamais mis en évidence après exposition des futurs parents eux-mêmes. 

  • Il n'y a pas de transmission de ces malformations à la descendance (des malformations radioinduites héréditaire ont été mises en évidence chez l'animal (seulement pour des fortes doses), jamais chez l'homme)

A contrario :

1) On dispose de données fiables en faveur d'un risque de cancer radioinduit proportionnellement plus faible (ou inexistant ?) pour des faibles doses (< 100 mSv) comparées aux fortes doses.

On sait pourquoi il en est ainsi : schématiquement, pour des lésions de l'ADN induites par de faibles doses, l'organisme privilégie l'absence de réparation ou l'apoptose, ce qui conduit à la mort cellulaire (donc les cellules lésées n'évoluent pas en cellules cancéreuses). 

Pour des doses fortes, la réparation de l'ADN est impérative pour préserver la fonction de l'organe exposé ; une cellule peut alors être mal réparée, avec une ou plusieurs mutations qui peuvent être une des étapes d'un processus aboutissant à une cellule cancéreuse. 

Pour les fortes doses, les autres mécanismes de défense (contrôle par le micro-environnement cellulaire ou par le système immunitaire) sont submergés et deviennent inefficaces. 

On voit donc que les tissus ne se défendent pas de la même manière contre des fortes et des faibles doses (d'ailleurs les gènes activés en réponse à l'irradiation sont différents), c'est pourquoi l'extrapolation linéaire des effets des fortes doses vers zéro, comme le fait la relation linéaire sans seuil, n'a pas de sens. 

2) les études épidémiologiques sur les irradiés d'Hiroshima-Nagasaki et sur les travailleurs du nucléaire (y compris la dernière étude INWORKS (1) ) ne montrent pas de risque de cancer significativement augmenté au dessous d'une exposition de 100 mSv. Les études sur l'enfant montrent peut-être des limites plus basses, (50 mSv) mais elles ne sont pas totalement convaincantes (par exemple, les études après scanner(s) à Rayons X  dans l'enfance ne tiennent pas compte des raisons pour lesquelles un scanner a été fait).

3) l'effet d'hormésis (protection contre les effets des rayonements ionisants par de petites doses d'exposition, genre Mithridate) a été clairement mis en évidence chez la souris dans l'analyse des publications disponibles faite par Duport en 2003 (étude sur 60 000 souris, 40% des séries expérimentales montrent un effet d'hormésis très net). 
Un mécanisme crédible a été trouvé par Portess en 2007 (Low-dose irradiation of nontransformed cells stimulate the selective removal of precancerous cells via intercellular induction of apoptosis). 
Enfin un effet d'hormésis est fréquent en toxicologie chimique ; ce n'est pas un fantasme de militant pro-nucléaire.

4) Contrairement à certains animaux de laboratoire, il n'y a pas encore de preuve formelle d'un effet d'hormésis dans l'espèce humaine mais seulement de très fortes présomptions. Vérifier si cet effet existe ou non chez l'homme, et surtout de quelle ampleur, nécessitera un effort de recherche biologique et épidémiologique considérable.
La complexité des cofacteurs rendra couteuse une étude scientifique rigoureuse et son retour sur investissement sera faible. Et ceux dont c'est le fond de commerce d'alerter excessivement sur les dangers des faibles doses auraient beaucoup à perdre si elle avait lieu (audience pour la presse, adhésions et subventions pour les ONG, développement des organismes de contrôle, parti politiques qui abusent de ces thèses pour se développer...).

Indice : On peut remarquer que, pour les travailleurs du nucléaire, le risque de cancer pour des personnes ayant été exposées à de faibles doses est nettement inférieur au risque spontané chez les non exposés ; il peut s'agir d'un "effet du travailleur sain", mais il serait inhabituellement important.


Source Wikipedia - https://fr.wikipedia.org/wiki/Horm%C3%A8se
L'hormesis est un phénomène bien connu et bien documenté, pas seulement pour la radioactivité, mais également sur le plan de la toxicité chimique : juste un tout petit peu de poison stimule utilement les mécanismes de défense. C'est une règle générale qui s'applique, entre autres, à la radioactivité.



Comme le rappel un de nos grand scientifique :

"Même si on peut prétendre que « L’absence d’évidence n’implique pas l’évidence d’absence »,
on ne fait jamais de choix seulement sur des données absolues, mais uniquement sur des données probabilistes.
Ne pas observer un phénomène accroit de façon calculable la probabilité qu’il n’existe pas."

Les biais cognitifs font le reste. Sans qu’on en ait conscience, on s’oriente vers les thèses qui nous satisfont intuitivement, qu’on a déjà retenu comme a priori, suite à l'influence du "marché cognitif".

 Or le saupoudrage des ressources financières de recherche et prévention pour encadrer le "rien" asphyxie les domaines grandement délétères où les besoins sont urgents (alimentation, tabac, illettrisme, carbone,...). Cette situation est nuisible et notre démocratie doit se ressaisir.
Le risque de ne pas agir où cela compte vraiment est souvent négligé, excessivement focalisés que nous sommes par de bien plus faibles risques.

Alors on peut se demander pourquoi Sciences et Avenir va chercher, pour parler des effets des faibles doses, une militante notoire qui, d'après PubMed, n'a jamais rien publié sur ce sujet.

Mme Thébaud-Mony se présente comme Directrice de recherche à l'INSERM, "spécialiste en santé publique", ce qui pour le lecteur non informé de Sciences et Avenir veut dire "compétente en médecine et en biologie", mais en réalité,  Wikipedia dixit  : Annie Thébaud-Mony est une sociologue française de la santé, connue pour ses recherches et son travail associatif sur les maladies professionnelles

Une visite sur les sites 
ou
est éclairante.

Le second lien donne sur sa page personnelle et ses "publications" qui sont à trois exceptions près des articles ou des livres militants, publiés comme des livres ordinaires et non dans des revues à comité de lecture. Trois exceptions donc :

1) Avec Walters D., Johnstone R., Frick K., Quinlan M. & Baril-Gingras G. (éd.)Regulating workplace risks. A comparative study of inspection regimes in times of change. Edward Elgar Publishing. 400 p.

2) A multidisciplinary network about occupational cancer in Paris suburb, Seine-Saint-Denis (France). First results of a pro-active research (avec le réseau SCOP 93), International journal of occupational and environnemental health, 2005, 11, 263-275.

3) Réparer les atteintes liées au travail ? Rapports sociaux, droits et pratiques institutionnelles, Sciences sociales et santé, 2003, 21(4), 105-113.

Le second est un ouvrage collectif (elle n'est pas citée dans le résumé) et le troisième est inconnu sur Pubmed...

Soit donc un article et demi selon les évaluations courantes.
Accéder au grade de Directeur de recherche à l'INSERM avec un tel dossier  est-il mérité ou le résultat d’équilibres politiques ? Chacun jugera.


Sciences et Avenir n'a rien des exigences d'une publication scientifique, c'est un organe de vulgarisation qui fait du scoop pour faire du tirage : l'angoisse fait vendre en particulier quand elle est vendue par un directeur de l'INSERM fort connu dans le métier. 

Mme Thébaud-Mony voit une véritable épidémie de cancers, régulièrement dénoncée dans diverses revues des sciences sociales où elle a accumulé une abondante production littéraire. Elle propose assez régulièrement, sans justification autre que sa foi partisane, des thèmes de recherche sur les cancers professionnels aux agences qui ont quelquefois la faiblesse de les financer ; il n'y a jamais eu la moindre démonstration scientifique des hypothèses qu'elle a formulées ni la moindre méthode acceptable pour en vérifier la plausibilité. Elle semble sincérement convaincue de la théorie du complot qui place les toxicologues académiques dans la classe de profiteurs d'intérêts inavoués, ce qui fait d'elle un interlocuteur écouté dans le monde des sciences sociales fort friand de ces gourmandises.



« Autre explication : sa directrice de la rédaction, semble être être elle-même une anti-nucléaire convaincue. La déontologie de la presse étant lente à progresser, les publications sont souvent influencées par les idéologies de leur rédaction, et pas toujours équilibrées par des avis opposés. »

Conclusion.

Un important travail reste à accomplir dans la presse (surtout scientifique) en matière déontologie. L'émulation et le dialogue rigoureux au sein de la profession permettra de progresser. On commence déjà à en apercevoir les signes (qualifation de l'info, fact checking, etc...).

____________________________
Sources : 

(1) Etude INWORKS :

Recherche : Premiers résultats de l’étude épidémiologique INWORKS sur le risque de leucémie chez les travailleurs de l’industrie nucléaire

 http://www.irsn.fr/FR/Actualites_presse/Actualites/Pages/20150622_resultats-etude-epidemiologique-inworks-leucemies-travailleurs-nucleaire.aspx

Réponses :

Le risque de leucémie normal est 20 / 10000, et ici il serait passé à 21 /10000 pour les travailleurs. Vous appelez cela effet "dévastateur" ?

D'intéressant commentaires dans Nature : http://t.co/vfalfLtsOe 

L'étude prend uniquement en compte les doses professionnelles
alors que les doses médicales ont fortement varié et sont aujourd'hui supérieures à celles professionnelles, contrairement au début de la période étudiée...

Et rappelons les incertitudes non traitées sur le taux de mortalité de référence. Bref le résultat est bien plus incertain qu'annoncé par l'IRSN.

Le traitement de données rejette  celles non compatibles avec l'augmentation linéaire par l'élimination des 10 premières années...

(2) Soi disant confirmation de INWORKS le 20/10/2015:

"L'exposition prolongée aux rayons ionisants, même à faibles doses, augmente le risque de cancers dits solides, selon une étude menée sur des travailleurs du nucléaire."   http://www.pourquoidocteur.fr/Articles/Question-d-actu/12564-Nucleaire-meme-de-faibles-doses-sont-dangereuses-pour-les-employes


Autres sources : 


Des sources attestent scientifiquement ces assertions.

Dans l’ordre anti chronologique :

a)      La théorie linéaire sans seuil est basée historiquement sur une dissimulation scientifique du Pr Hermann Muller
(Prix Nobel de Médecine 1946 pour avoir découvert les effets mutagènes des radiations) – Diffusé par Bruno Comby – AEPN - 2011

b)      NUCLEAR ENERGY AND HEALTH
and the Benefits of Low-Dose Radiation - Jerry Cuttler, Myron Pollycove - 2009
           ecolo.org/documents/docu… 

c)      HEALTH EFFECTS OF LOW LEVEL RADIATION
When will we acknowledge the reality?  Jerry M. Cuttler - 2006
ecolo.org/documents/docu…

d)     - Dose-effect relationships and estimation of the carcinogenic effects of low doses of ionizing radiation
[French National Academy of Medicine] March 6, 2005
e)      - EFFETS BIOLOGIQUES DES FAIBLES DOSES DE RAYONNEMENTS IONISANTS
(CONSEQUENCES DES RETOMBEES DE DE TCHERNOBYL  H. JOFFRE- 2002
ecolo.org/documents/docu…


<< Mythe, propagé par la plupart des médias, comme quoi les savants sont souvent irresponsables. >>

Commentaire : 

Le développement rapide de la science suscite une défiance faute de comprendre son fonctionnement.
Les scientifiques, le plus souvent habités par l'exigence de rigueur et de progrès, sont systématiquement soupçonnés de collusion et de malhonnêteté. Et ceci sans motif valable dans la majorité des cas (la pharmacie me semblant davantage concernée par les dérives que les autres industries vues les mannes financières.)

La dérive porte souvent sur l'incapacité à relativiser les dangers : En effet on ne dira jamais assez que tout est dans la dose. Mais bien peu s'en préoccupent et l'anxiété gagne, notamment avec l'effet nocébo. (rayonnements, ondes, perturbateurs endocriniens, ...). Cela ne signifie pas bien sûr qu'il ne faille pas des normes strictes et respectées.

En fait, il faut réaliser que l'absence de progrès technique est bien plus délétère que les très faibles impacts effectifs de ces progrès (cf l'augmentation rapide de l'espérance de vie). Le niveau de l'hygiène de vie, dans les pays développés, porte l'immense majorité des maux (tabac, produits psychotropes, surpoids ou sur-nutrition, épuisement, stress et sédentarité, névroses), l'individu cherche donc des boucs émissaires pour justifier ses difficultés.

Référence:
http://aepn.blogspot.com/2015/10/quand-la-radioactivite-n-pas-le-vrai.html

Presse et science : renonciliation possible ?


Qui n'a pas déploré la piètre qualité scientifique de la presse et des médias en général ?

Outre son modèle économique, les conflits d'intérêts ou les manques déontologiques, ces dérives seraient dues à la formation plutot littéraire des journalistes donc peu érudits en science et ses modes de raisonnement rationalistes.

Ce blog animé par un citoyen préoccupé par l'intérêt général sans conflit d'intérêt (travaillant dans les télécoms) cherchera à recenser les sujets d'étude sur ce thème, afin que chacun puisse librement forger son esprit critique avec des données contradictoires.

Rappel si besoin : Liberté d'expression suppose respect, droit de réponse et doute raisonable présent à chaque instant.