mardi 31 mai 2016

Les ondes et les statistiques : comment instrumentaliser un supposé effet, et non comparable sur l'Homme ?

Le lien vers la préétude qu'une certaine presse cherche à monter en polémique par intérêt et faute d'analyse rigoureuse...:

Report of Partial Findings from the National
Toxicology Program Carcinogenesis Studies of Cell
Phone Radiofrequency Radiation in Hsd: Sprague
Dawley® SD rats (Whole Body Exposures)
http://biorxiv.org/content/early/2016/05/26/055699

Justifier ses angoisses liées aux nouvelles technologies est un travail de chaque jour...

Dès qu'une nouvelle étude sort, même si les tests sur les animaux ne montrent pas, bien au contraire, de surmortalité malgré d'énormes doses absorbées, on crie haut et fort : "le mobile donne le cancer ! C'est prouvé !" ;-)

Explication:

Malgré la classification du CIRC en 2B, la notion d’un risque cancérogène associé aux champs électriques et magnétiques comme ceux des portables s’est jusqu’alors heurtée à l’absence d’éléments de preuves sérieuses issues de l’expérimentation et l’opinion s’est apaisée. Les résultats d ’une expérimentation ultime du National Toxicology Program (NTP) étaient cependant attendus. Ces résultats viennent de tomber et identifient un risque de cancer du cerveau et de schwanomes cardiaques chez l’animal exposé depuis sa conception. Ce n’est sans doute pas extrapolable directement mais nous ne savons pas quel mécanisme est en jeu. Il est vraisemblable que certains vont en tirer des conclusions fort angoissantes sur les champs en général !

Alors, quelle doses ? Sont-elles comparables ou plus fortes ici que celles reçues dans vie courante ?

Question importante dans la mesure où un effet thermique pourrait-être évoqué à l'origine des observations. Dans l'expérimentation la ''dose'' (SAR) est donnée en W/Kg : de 1,5 à 6 watts par kg, ce qui est comparable à la ''dose'' absorbée dans un volume de 10 g de tissus exposés au niveau de l'oreille d'un portable chez l'homme. Il s'agit cependant chez l'animal d'une exposition corps entier, ce qui n'est pas comparable.

Rapporté aux champs des antennes dans lesquels nous sommes environnés par exemple on est très au dessus. Il reste qu'à ce niveau d'exposition il n'a pas été observé d'effets thermiques mesurables. Si le rapport était validé la notion d'un mécanisme cancérogène inconnu serait envisagée, ainsi que la demande de précaution naturellement justifiée dans de multiples situations d'expositions aux champs électriques et magnétiques.

Sachons ne pas conclure trop vite...

La probabilité de découvrir un nouvel effet semble infime, à fortiori de démontrer un quelconque effet sur l'Homme. Disons le...

S'il existe, le risque cancérogène est extrêmement faible et ne pose pas de problème majeur de santé publique, c'est en substance la réponse du 2ème extrait de l'article de Microwaves du 31 mai.

6W/kg sur quelque chose qui est essentiellement de l'eau (un coeur), cela fait +5°C par heure si la chaleur n'est pas évacuée. Bien sûr elle est évacuée, 
mais cela représente un stress sur le système de régulation de tout le 
corps, et cela peut avoir à la longue un effet hormonal.

De toutes façons c'est un effet global sur le corps et pas local. Pour ce qui est du cerveau humain, qui évacue de 
l'ordre de 20 watt, cela veut dire que les 
quelques 0.1 watts auquel on expose notre cerveau avec un portable sont 
négligeables vis-à-vis de l'exposition à laquelle sont soumis ces rats..

Ce qui est en jeu, à mon avis, c'est la nécessité de trouver une explication plausible aux faits observés, s'ils résistent à l'analyse critique. On se trouve face à la licorne du jardin de Maddox, celle qui témoignait de la mémoire de l'eau pour l'éditeur de ''Nature''...

--------------------------
Annexe : Détails

Contrairement à ce que certains commentaires ont essayé d'accréditer, cette étude ne permet aucune conclusion quant à l'exposition au portable (ou aux antennes relais) qui délivrent une exposition bien différente.

En effet, tout le corps des rats est exposé, de manière homogène alors que l'exposition au portable concerne essentiellement la tête, ce qui permet à la vascularisation de maintenir la température des zones les plus exposées à une valeur pratiquement normale.

D'autre part, la puissance du rayonnement pour une exposition de l'ensemble du corps était, selon les groupes de 90 rats, de 1,5 ; 3 et 6 W/kg (en alternance de 10 minutes allumé/éteint...) alors que la réglementation limite dans ce cas l'exposition humaine à 0,08 W/kg, soit respectivement 18, 37 et 75 fois plus !

L'exposition des rats peut en revanche être comparée à celle des antennes relais lesquelles entrainent également une exposition homogène de tout le corps, qui ne dépasse pas 0,00016 W/kg pour 97% des antennes, soit respectivement 9 375, 18 750 et 37 500 fois moins que les rats pendant les périodes d'exposition..L'hypothèse d'effets "thermiques", liés au seul échauffement des animaux exposés à de tels niveaux, doit donc impérativement être étudiée. 

Globalement, les résultats de cette étude préliminaire sont fort étonnants et en contradiction avec des nombreuses études animales antérieures. Ils auraient mérité vérification avant de les publier, au risque de créer des frayeurs infondées. En effet,

-        les rats non exposés vivent moins longtemps que les rats exposés (les auteurs ne précisent pas pourquoi) ce qui entraine normalement une incidence plus grande des cancers, que les auteurs ont tenté de corriger de manière peu convaincante par un artifice statistique ;

-        seuls les rats mâles présentent significativement plus de tumeurs, au plus haut niveau d’exposition (6 W/kg), sans explication ;

-        les rats ne semblent pas avoir été autopsiés en insu du groupe auquel ils appartenaient, ce qui peut entrainer un biais ;

-        des faux positifs (résultats dus au simple hasard) sont possibles au vu du très faible nombre de cas observés par groupe et du nombre de tests (qui n'est pas précisé mais semble important, notamment pour les schwannomes).

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire